Ce que l’on essaye de transmettre, les sentiments que l’on se partage… Se dire « bonne année » et bien la vivre…
Cela fait plusieurs semaines que je me suis absenté des réseaux sociaux. Ce confinement a été plus meurtrier que le premier, l’absence de présence, l’incongruité des mesures et ce monde devenu fou.
C’est un peu un ras-le-bol, qui se manifeste en mon absence.
Testé à trois reprises après avoir été en contact proche avec des personnes ayant attrapé la Covid-19, le constat fut sans appel les trois fois. Le PCR et les prises de sang l’attestent : patient négatif.
L’impression d’être Néo dans une matrice bien réelle.
L’absence de mon quotidien de photographe social a été préjudiciable. Je n’ai pas souvent été aussi proche de mes émotions. Je veux dire de les ressentir et de les accepter telles qu’elles sont vraiment. Cette pause imposée dans notre tourbillon quotidien, qui a eu la peau de barrières ancestrales, m’a amenée à m’écouter davantage.
Sera t-il question de photo à l’issue de ce préambule ? Serais-je toujours photographe ?
Oui, oui et trois fois oui.
Néanmoins quelque chose a muté en moi…
Voyager au cœur de vos mariages, au rythme de vos histoires d’amour, voguer aux scintillements de vos grossesses et aux échos de vos enfants. Vous devinez cette chose sacrée qui fait de moi un photographe spécial pour raconter ce que vous vivez.
Et bien j’ai expérimenté ce que je projette sur vous, à savoir une introspection profonde. Comment se souvenir de détails tels que la couleur de la veste que vous portiez le jour de votre rencontre, alors que 1/ Je n’étais pas présent 2/ Vous me l’avez raconté et 3/ Je ne l’ai pas photographié ?
Ma mémoire est mon principal atout, et elle s’est révélée défaillante ces dernières semaines où notamment, j’ai livré un livre album avec un mauvais prénom. (Marine si tu me lis… Mea culpa éternel !)
La honte. Mauvais prénom, et surtout mauvaise corrélation. Vous pourriez me dire « sois indulgent avec toi ! »… Et pourtant c’est assez symptomatique.
Le confinement, la dissolution d’habitudes et l’incapacité à créer le contenu que j’aime fréquemment m’a aiguillé sur cette idée que je n’étais peut-être plus fait pour créer en solo. Et pourtant, cette solitude m’aide beaucoup à me pencher sur les bonnes questions, trouver de vrais réflexes de travail et des idées à creuser.
J’ignore comment cette nouvelle année civile se déroulera, et comme nous tous j’aimerai ne plus subir quelque chose qui me dépasse.
Et pourtant n’est-ce pas déjà le cas avec le Temps ?
Il s’agit probablement d’une simple question de point de vue. Vous souvenez-vous quand j’abordais la question des émotions ? C’est probablement une question de curseur au final.
J’ai entamé en 2020 un parcours initiatique qui me porte à tous les vents de mon histoire, de mon enfance à ma vie d’adulte, de mon esprit compétitif à ma phobie des examens, à ma passion pour les questions existentielles et mon amour inconditionnel des films débiles.
Une des citations que j’adore est l’œuvre de Marie Darrieusseq, extraite de Naissance des fantômes. Elle écrivait :
Ecrire c’est être entre deux mondes : là ou rien n’est certain, mais ou tout est possible; où circulent les fluides, les sensations.
J’aime cette idée de fluide.
J’ai relu en fin d’année les six tomes d’Akira, et si un jour vous veniez à m’en parler vous observeriez certainement mes rétines clignoter de passions pour ce que l’auteur, Katsuhiro Otomo y a insufflé.
L’œuvre date des années 1980 et pourtant le récit est toujours aussi excitant et passionnant.
On y voit à la toute fin, l’un des protagonistes, vivre une expérience dingue où le flux/le fluide de la vie le traverse, sentant en lui force et faiblesse, puissance et démesure quand sa tristesse et ses craintes prennent tour à tour le contrôle.
Un des axes qu’Otomo défendait pour anticiper le devenir de la jeunesse japonaise – et que l’on peut par extension appliquer au devenir de la planète – est cette inclinaison à subir et à faire partie de l’Histoire, tout en faisant de notre mieux pour accepter l’idée qu’on ne pourra rien y changer. Et pourtant, chaque action que l’on opère possède cette chose indicible qui magnifie nos actes quand on les observe avec recul.
En vivant une autarcie sociale obligatoire (et nécessaire ?) j’ai dû me concentrer sur ce que j’avais de plus précieux et aussi de plus destructeur. Cette période m’a guidé vers ce constat.
Ma créativité a ses limites. Autant cette dernière me permet de réaliser nombre de prouesses que je ne soupçonnais pas il y a dix ans, cette dernière si elle ne peut se manifester par la voie de l’artistique social me guide vers des questions sans fin – et je dois vous avouer que ça en devient épuisant.
L’approche de la quarantaine, le fait de voir et observer grandir mes fils, la nécessité de créer du lien, les déconstructions de schémas de pensées ancestraux, ma connexion intérieure…
Le chemin d’une vie, surement.
Alors si je ne vous souhaite pas de « bonne année », sachez que j’espère un « vous » meilleur de façon constante. Et pour longtemps.